Matériels de protections anti-Covid : Opéras, ateliers et personnels se mobilisent
Les théâtres lyriques disposent de ressources et de personnels stratégiques et généreux : spécialistes en couture, grands ateliers modernes, stocks de tissus et matériaux. De quoi fabriquer des protections indispensables, vitales depuis les débuts de l'épidémie aggravée par des stocks défaillants, et qui le seront encore et toujours davantage s'il est besoin d'en équiper la population entière.
Nous avons donc contacté les maisons lyriques avec l'aide de la Réunion des Opéras de France pour recenser leurs actions déjà engagées et celles qui pourraient être mises en place. Le bilan souligne un remarquable élan de générosité et de volontarisme, maison par maison voire chacun pour tous et un peu tous azimuts.
Si le Ministère de la Culture n'a pas répondu à nos sollicitations, le Ministère de la Santé se coordonne avec celui de l'Economie pour encourager ces initiatives et l'homologation des appareils (détail complet de leurs actions en bas de cet article*).
Les personnels de l’atelier de costumes d’Angers Nantes Opéra (coupeurs, couturières, habilleurs, habilleuses, responsables d’atelier) se sont individuellement mis au travail pour la réalisation de masques en tissu depuis leurs domiciles (du fait des mesures sanitaires liées au COVID et de problématiques de sécurité actuellement au Théâtre Graslin). Par ailleurs, Angers Nantes Opéra a fait don d’un stock de masques, achetés au préalable, au CHU de Nantes et aux ambulanciers.
Les couturières à l'Opéra Grand Avignon ont suivi un patron fourni par le CHU de Grenoble pour équiper en masques de tissus lavables les agents de propreté municipaux grâce à un inventaire de fournitures effectué dans les ateliers du théâtre. Après 300 masques pour "les collègues éboueurs", la production sera destinée à toute la collectivité du Grand Avignon. A titre individuel, chacune fabrique des masques pour l'entourage, des connaissances du milieu médical, des caissières de supermarchés, des employés de petites entreprises qui travaillent tant bien que mal.
SOLIDARITÉ // Les Ateliers Couture de l’Opéra et du Conservatoire ont fait preuve d'entraide en confectionnant en un temps record 300 masques en tissu. Ils ont été mis à disposition des agents de la collecte des déchets du Grand Avignon. BRAVO ET MERCI ! https://t.co/dRsUDOIdCm">pic.twitter.com/dRsUDOIdCm
— OpéraGrandAvignon (@OperaAvignon) https://twitter.com/OperaAvignon/status/1242884830590906378?ref_src=twsrc%5Etfw">March 25, 2020
Bordeaux lance la fabrication de masques homologués AFNOR grâce aux couturières et couturiers permanents des ateliers, des intermittents ainsi que des bénévoles à la retraite. Ils travailleront à l’atelier et à domicile, les chauffeurs de l'institution assurant la livraison des matières premières et le retrait des produits finis. Le lien avec la Walder à Lyon assure la fourniture en matières premières aux normes.
L'atelier de costumes de Lille (5 personnes) fabrique des masques pour le CHU, en lien avec le collectif solidaire « Le Souffle du Nord » et l’entreprise Lemahieu (Le Slip français).
A Limoges, 2 personnes de l'atelier de costumes commencent la fabrication de masques pour le personnel de l’opéra lorsqu’il pourra reprendre son service progressif. Ils disposent d’un modèle AFNOR réalisable avec le stock de tissus maison. Ce sera un masque lavable réutilisable. La quantité limitée (100 tout au plus) compte tenu des stocks pourra s’intensifier s'il est possible de réapprovisionner.
Les ateliers de costumes à Lyon sont impliqués dans des initiatives de fabrication de masques de protection. Les ateliers de costumes de Marseille sont mobilisés pour fabrication de masques alternatifs en tissu.
Les équipes de costumiers à Metz fabriquent des masques aux normes AFNOR (et pourront étudier la fabrication de blouses selon les besoins déterminés par la préfecture), un responsable d'atelier et une couturière sont sur place pour la gestion et distribution des stocks ainsi que la confection en respectant les gestes barrières (une démarche solidaire qui implique donc indirectement aussi les gardiens et électriciens). 3 couturières et couturiers travaillent à domicile afin d'éviter un regroupement de personnes dans l'atelier.
Les services Costumes et Habillage à Nancy fabriquent des masques de protection AFNOR et modèles validés par le médecin hygiéniste du CHRU.
Les personnels du service couture à l'Opéra de Nice sont mobilisés à la Diacosmie (leurs ateliers) pour la fabrication de masques. Une partie du personnel de l'Opéra est volontaire pour apporter de l'aide aux personnes démunies mais aussi venir en renfort au service des RH de la Ville de Nice. Les artistes de l'Opéra (danseurs, musiciens, artistes des chœurs) continuent quant à eux de proposer des capsules artistiques sur les réseaux sociaux avec le soutien du service vidéo (notre article regroupant ces initiatives à travers la planète).
L'Opéra de Paris fabrique avec ses ateliers de couture des masques en coton pour les Diaconesses de Reuilly (Hôpital situé à côté de la Bastille) avec du tissu popeline destiné à faire des chemises. L'institution de la capitale qui a également fait don dès la mi-mars à l'AP-HP (Hôpitaux de Paris) du stock de 25.000 masques constitué pour l’épidémie du virus H1N1 (en 2009-2010).
L'Opéra Comique de Paris met en place la confection de matériel, en télétravail avec les équipes de l’atelier costumes et les accessoiristes.
La ville de Rennes souhaitant doter ses habitants de masques en tissu mobilise les entreprises locales, dont ceux des ateliers à l'Opéra qui ont déjà permis des distributions auprès de personnes âgées.
La semaine dernière, sur une initiative personnelle, plusieurs couturières de l'Opéra national du Rhin ont pris part à une chaîne de réalisation de sarraus (sur-blouses) pour l’hôpital de Saverne. Un fournisseur en Alsace a par ailleurs identifié un matériau conforme aux besoins (filtration <3 microns, lavable et réutilisable, normes AFNOR). Il va fournir des kits de masques qu’il a conçus et que l'Opéra réalisera (matière déjà découpée, élastiques et étiquettes de traçabilité fournies) en étudiant un protocole applicable dans les ateliers pour garantir la sécurité sanitaire de tous, et une mise en route prochaine de cette chaîne de montages.
Deux permanentes à l'Opéra de Toulon doivent commencer la fabrication de masques la semaine prochaine à partir de stocks.
Les couturières de l’atelier au Capitole de Toulouse sont mobilisées pour la confection de masques barrière. 25 agents du théâtre et de l’orchestre sont mobilisés sur une base de volontariat pour des missions essentielles de la collectivité : entretien des sites de consultation COVID19, suivi de dossiers aux pompes funèbres, etc.
Pour l'Opéra de Tours, deux couturières intermittentes ont participé à la fabrication de masques de protection entre le 18 et le 31 mars. La ville de Tours a pris le relais au 1er avril en engageant les 3 couturières régulières de l'Opéra afin de poursuivre la production.
Les Opéra de Reims et de Massy ne disposent pas d'atelier sans quoi l'initiative aurait été "évidente" pour eux. Vichy n'ayant pas non plus d'ateliers costumes ou décors signale que la Ville a créé une plateforme "Vichy Solidaire" avec notamment une cellule de crise qui gère les demandes liées à la conception de masques et sur-blouses.
En Belgique, les couturières de La Monnaie à Bruxelles cousent et offrent des masques de protection depuis chez elles, tandis que les ateliers offrent des combinaisons pour protéger les pompiers.
L'Opéra Royal de Wallonie a rejoint le "réseau de couture" lancé par le CHU de Liège, invitant toutes les petites mains à tisser des blouses de protection. Les ateliers se sont rouverts et mobilisés (3 coupeurs et 18 couturières fournissent 20.000 blouses, pour commencer).
Des initiatives qui se répandent par-delà l'Atlantique à l'Opéra d'Atlanta :
Et bien entendu, les initiatives les plus individuelles participent à l'effort (une grande couturière de mode côtoyant ainsi virtuellement une grand-mère passionnée à la campagne ou un jeune homme appliqué, chacun de chez soi), constituant des groupes de discussions sur les réseaux sociaux pour partager des modèles et modes d'emploi, propositions de services et demandes de conseils : les machines à coudre personnelles ont repris du service dans les domiciles, livrant le fruit de leur travail sur leur palier, en bas de chez eux ou dans des points de collecte.
Autant d'initiatives touchantes dans le fond, qui prouvent d'une manière concrète, bienvenue et utile l'esprit de solidarité qui caractérise le monde de l'art et de la culture. Mais autant d'initiatives quasi-individuelles, qui ne sont pas organisées ni coordonnées autrement que par la bonne volonté de chaque théâtre voire de chaque couturière.
Les théâtres disposent pourtant de ressources "stratégiques" exceptionnelles avec ces personnels ultra-qualifiés, des outils de pointe, des matières premières de qualités et nombreuses qui permettraient de fabriquer à une grande échelle des masques, blouses et bien d'autres outils de protections (nous parlions il y a quelques années de décors fabriqués dans des théâtres lyriques par des Machines 3D : ces outils pourraient fabriquer du matériel médical). Or les personnels de santé mettent à profit tout ce qu'ils peuvent trouver : le matériel médical étant bien vite venu à manquer, de grands professeurs en sont à faire des vidéos pour remercier Décathlon de leur avoir envoyé des masques de plongées leur permettant d'opérer, ils remercient et appellent les concitoyens à envoyer tous les équipements même apparemment "de fortune" dont ils disposeraient, qu'il s'agisse de combinaisons de peintures, lunettes de plongée ou autres. Une population qui montre des élans de générosité d'autant plus remarquables pour ceux qui ont offert leurs masques de protection quand le gouvernement les y invitait, avant de finalement commencer à suivre la recommandation selon laquelle chacun devrait en porter un, même artisanal : notamment qui pourrait être fabriqué dans les opéras.
Un dernier message enfin pour rappeler que le port de masques n'est qu'un moyen supplémentaire pour ralentir la contagion (à condition qu'il soit correctement porté, dans le bon sens, en cachant nez+bouche+menton) : il doit donc s'ajouter et NON PAS se substituer au respect strict des gestes barrières et au fait de rester chez soi.
Réponse ministérielle :
Sous l’égide d’Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie et des Finances, et à l’appel de la Direction générale des entreprises, la filière textile française s’est mobilisée pour développer la production de masques et de surblouses lavables.
· Surblouses
L’Institut français du textile et de l’habillement (IFTH) a défini, en lien avec le ministère de la Santé et des Solidarités et l’Union française des industries mode et de l’habillement (UFIMH), les éléments techniques (patron simple limitant le temps de confection et le coût, recommandations sur les tissus utilisables, guide d’utilisation et de mise sur le marché) nécessaires à la mise en production rapide de ce nouveau modèle.
· Masques
Deux nouvelles catégories de masques en tissu réutilisables, dit « masques grand public » ont été créées sur la base d’un cahier des charges établi sur la base des recommandations des autorités de santé (ANSM et ANSES).
- Les masques grand public à usage des professionnels en contact avec le public (catégorie 1).
L’usage de ces masques est destiné aux populations amenées à accueillir du public dans le cadre de leurs activités professionnelles. Ils filtrent plus de 90% des particules émises d’une taille supérieure ou égale à 3 microns compatibles avec cette utilisation.
- Les masques grand public pour protéger l’ensemble d’un groupe portant ces masques et sans contact avec le public (catégorie 2)
Ces masques sont destinés à l’usage d’individus ayant des contacts occasionnels avec d’autres personnes, dans le cadre professionnel. Ce masque pourra être porté par l’ensemble des individus d’un sous-groupe ou en présence d’autres individus porteurs d’un masque d’une autre catégorie, lorsque le poste ou les conditions de travail le nécessitent. Leurs propriétés de filtration des particules supérieures ou égales à 3 microns apportent un complément de protection aux gestes barrières.
Du 30 mars au 12 avril, 11 millions de masque en tissu réutilisables ont été produits par l’industrie textile française. Cette production a vocation à monter encore en puissance d’ici fin avril.
Ces masques ne remplacent en aucun cas les gestes barrière mais ils peuvent être utilisés en complément de ces gestes et sont qualifiés pour des environnements de travail.
En parallèle, le Comité stratégique de filière (CSF) « Mode et Luxe », a lancé un site internet savoirfaireensemble.fr, développé et animé par les équipes du « Slip français », permettant de mettre en relation directe les fournisseurs de tissus, les confectionneurs et les acheteurs de masques et/ou de surblouses.